Résumé
Les osais sont des écosystèmes artificiels crées et maintenus par l’ingéniosité de l’homme Saharien au tour du facteur eau. Elles représentent un exemple d’adaptation aux conditions difficiles et un modèle de gestion intégrée des ressources naturelles dans les zones arides. Actuellement, un simple diagnostic de l’état de ces écosystèmes à travers le Sud algérien, montre que ces derniers sont dans un état très dégradé, du fait de la disparation du savoir faire ancestral en matière de gestion d’eau d’irrigation. Cependant, quelques Oasis, comme celle de Boukaïs (Béchar, Sud-Ouest algérien) persistent depuis des siècles, grâce au maintien de son système d’irrigation traditionnel ingénieux. Ce système est gravitaire basé sur l’eau jaillissante « source de Boukaïs », fournissant un débit de 20l/s (Idrotecnico, 1976). Ces eaux sont acheminées vers les parcelles de la palmeraie par le biais d’un réseau arborisant de canaux « Saguia ». La distribution de cette précieuse substance est gérée par des droits coutumiers et des règles conventionnelles de la communauté locale. La répartition de l’eau se fait selon deux modes, diurne et nocturne. Le jour, les parts d’eau sont mesurées en fonction du temps à l’aide d’une horloge solaire antique faisant de l’ombre d’homme et d’un mur une aiguille. Ce cadran découpe la journée en espace-temps irrégulier en fonction de la durée d’ensoleillement selon les saisons. Durant la nuit, les parts sont mesurées en fonction du volume à l’aide d’une jauge, qui correspond à un jalon gradué fixé sur le planché du bassin d’accumulation « Majen ». Ce dispositif permet la répartition de l’eau accumulée après le couché du soleil dans le « Majen » en volume régulier, dont l’unité de mesure de ce système est appelée « kharrouba » (FELLAH et al, 2014).
Le partage de l’eau est fonction d’un calendrier d’irrigation de 21 jours. Chaque jour porte le nom d’un ayant droit d’origine, où la journée est repartie en 32 « Kharouba » qui correspond à 16 « Thman où 1/8 » (huit le jour et huit la nuit). Il assure le roulement, la rotation ou cyclicité et l’équité. Au fil des années, les différentes transactions d’achat, vente, prêt et location ont modifié la propriété de l’eau, en passant de la population d’origine vers d’autres nouveaux ayants droits qui sont actuellement en nombre de 60, tout en préservant l’ancien calendrier avec les journées des anciens ayants droits. Actuellement, l’eau d’une journée est exploitée par 4 à 8 irrigants. Le savoir faire et les techniques sont transmis de génération à l’autre par voie orale et par apprentissage.
Ce système de partage de l’eau reflète l’organisation sociale de la communauté locale et matérialise les logiques de fonctionnement complexe de la société oasienne. C’est un construit humain qui représente un témoin sur les rapports entre le groupes sociaux, il symbolise la culture d’adaptation, la maitrise de l’eau et le savoir vivre ensemble dans les zones arides. Il assure les objectifs de la gestion durable intégrée des ressources en eau.
Ce précepte représente un témoignage sur le transfert et la transmission de savoirs faire et de techniques entre les deux rives de la méditerranée attesté par l’existence des systèmes analogues en Espagne (la Galice) et Portugal (Minho) (WATEAU, 2005, 2006, 2007 et 2012). Le système d’irrigation traditionnel de Boukaïs est un patrimoine culturel et un caché identitaire. Il doit être préservé et valorisé. Il mérite d’être classé dans la liste des systèmes ingénieux de production agricole mondiale (SIPAM).
Mots clés : Oasis, Boukaïs, écosystèmes, Irrigation, partage, gestion, intégrée, horloge
Auteur
FELLAH Ahmed Hamza
(1) Université de TAHRI MOHAMED - Bechar. Algérie (2) Direction de l’environnement W. Bechar